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Variations sensées

pour piano seul

samedi 25 mars 2017, par Valentin.

Ces 33 miniatures pour piano (suivant des contraintes d’écriture assez lourdes) ont été rédigées pour une présentation de l’Oumupo au printemps 2014.

Cette brève partition pour piano (qui, autant le dire très clairement, fait sans doute partie des choses les moins intéressantes que j’aie publiées ici) tente de relever un défi : l’exploration de contraintes extrêmement difficiles, tout en tâchant d’y insuffler un minimum d’expressivité et de sens. Écrite au printemps 2014 pour une présentation de mon collectif l’Oumupo, elle a finalement été supprimée faute de temps et n’a donc jamais été jouée en public.

Voici la partition, avec son code source LilyPond inclus :

Variations sensées, pour piano
Licence Art Libre © V. Villenave, 2014.

À la demande de mon estimable acolyte Gilles Esposito-Farèse, j’ai bricolé un enregistrement de cette partition ; le voici :

Historique & description

[Cliquez pour déplier.]

Chapitre 33.

Au printemps 2014, l’Ouvroir de Musique Potentielle (Oumupo), reçut une bonne nouvelle : la Bibliothèque nationale de France daignait nous accueillir pour une série de présentations régulières, à partir de décembre. La première de ces soirées tombant le jour où l’un de nos membres fêterait ses 32 ans, nous décidâmes que le thème en serait tout trouvé : ce serait le nombre 32.

Mais au préalable, nous étions invités, comme chaque année, à un autre événement, d’envergure moindre : début juin, nous devions participer à une lecture/concert avec des écrivains de l’Oulipo. Jean-François Piette et Frédéric Forte, représentant respectivement l’Oumupo et l’Oulipo, s’entretinrent gravement afin de trouver un thème à cette matinée… Et, après d’intenses réflexions, s’en vinrent nous annoncer benoîtement leur trouvaille : le thème serait… « Dites 33 ». (Quelle originalité, quelle audace.)

Non sans un soupir, je me mis donc en devoir de trouver (outre les 32 variations sur 32 notes que j’avais déjà prévu d’écrire pour notre représentation de décembre) une façon d’exploiter ce nombre, si proche et pourtant si différent si proche.

Et finis donc par annoncer, solennellement : 33 variations sur 33 notes.

À la recherche des pannotes.

Lorsque j’avais lancé l’Oumupo en 2011, j’avais été tenté d’y transposer, sous forme musicale, de nombreuses contraintes d’écriture imaginées et utilisées par l’Oulipo, ou depuis une vingtaine d’années par la Liste Oulipo. L’une d’entre elles est le pangramme : l’exercice qui consiste à utiliser dans une phrase la totalité des lettres de l’alphabet. L’exemple le plus célèbre étant sans doute la phrase

Portez ce vieux whisky au juge blond qui fume

Évidemment, si l’on considère un texte suffisamment long ou une phrase suffisamment verbeuse, la probabilité pour que s’y trouvent toutes les lettres augmente, et rend le tour de force nettement moins amusant. Le but est donc que notre phrase fasse le moins de lettres possible ; pour peu que l’on s’amuse à pousser l’exercice un peu plus loin, comme le fait inlassablement et obsessionnellement mon estimable ami list-oulipien Gilles Esposito-Farèse, on tend même vers l’hétéropangramme pur, une phrase de 26 lettres seulement, où chaque lettre n’apparaît qu’une fois.

Quel serait l’équivalent musical d’un tel exercice ? Le sérialisme nous en donne une idée assez proche, puisqu’il exige d’utiliser chacune des douze notes disponibles dans le tempérament (mais n’interdit ni les changements d’octave, ni les notes répétées). Une autre contrainte dont j’ai eu l’idée assez tôt fut la saturation de tessiture, où un(e) instrumentiste doit utiliser chacune des notes à sa disposition.

Mais, à supposer qu’elle ait le moindre intérêt, cette contrainte musicale n’est pas très difficile à réaliser : contrairement au domaine littéraire où il faut se débrouiller pour faire sens (quoique… avec les hétéropangrammes, la difficulté est bien souvent de prétendre que des assemblages abscons ont un sens), la musique est beaucoup moins exigeante, tout particulièrement la musique atonale où il n’y a , par principe, aucune raison objective de préférer telle combinaison de notes à telle autre.

C’est pourquoi je décidai de compliquer un peu la chose, en m’obligeant à rester dans un langage (à peu près) tonal… mais également en ajoutant une autre contrainte : la liponote. J’allais essayer de suggérer (tant bien que mal) que la partition était en Do Majeur… sans utiliser une seule fois le Do.

Et, par une coïncidence à peine croyable : les trois octaves centrales d’un piano, pour peu qu’on leur enlève tous les Do, ça fait combien de notes ? Mmh ?

Dites : « 33 ».

Forme.

Le titre de cette partition est un jeu de mots à deux sous : ce sont des variations sans « C » (C étant la lettre qui, en notation allemande et anglo-saxonne, désigne la note Do), qui font allusion aux Variations sérieuses (en français dans le texte) de Felix Mendelssohn Bartholdy.

Récapitulons les règles du jeu :

  • écrire un morceau de 33 notes,
  • limité en tessiture,
  • sans répéter deux fois la même note,
  • en interdisant tous les « Do »
  • et en donnant (de près ou de loin) l’impression qu’on pourrait être, dans l’ensemble, en Do Majeur.

Le terme de « variations » est ici un brin abusif ; et pourtant, avec un peu de bonne volonté on peut retrouver un thème (de onze notes, comme il se doit) qui se répète, se répond et se transforme.

J’alterne ici entre des styles et des écritures très différentes, qui constituent autant de stratégies possibles (certaines moins fructueuses que d’autres, il faut le reconnaître) pour répondre aux contraintes. L’obligation d’utiliser des notes toujours différentes oriente facilement vers un aspect « Schönbergien ». J’entends par là, soit une couleur franchement sérielle, soit même le Schönberg des 6 pièces op.19. (Ainsi, les deux dernières notes du « thème » ressemblent à ce que l’on trouve à la main gauche dans la sixième mesure de la sixième pièce.)

Je suis très attaché à ces six pièces, que je connais par cœur depuis l’âge de 12 ans ; dans ses (rares) moments les plus réussis, la présente partition m’y fait penser un petit peu.

Voilà.

Bonne lecture !
Valentin.

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