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À toi

samedi : rendez-vous avec l’agente immobilière

mardi 29 avril 2008, par Jérémie P.

Une nouvelle chronique du camarade Jérémie, qui est actuellement à la recherche d’un logement...

Déjà trois jours que je t’ai vue.
Déjà trois jours que je sais que je ne te verrai plus.

Sinistre conne.

Déjà trois jours que tu nous attendais devant cet immeuble, tes cheveux grisés par la fumée de ta cigarette rougie par tes lèvres serrées par tant d’années passées à faire visiter des appartements et probablement aussi à chercher un homme pour toi, sinistre conne, mais la vie c’est comme ça, parfois on sait qu’elle ne récompense que ceux qui le méritent vraiment, et comment ça ma phrase commence à être un peu longue pour être réellement compréhensible ?

Déjà trois jours que j’ai compris.
Que j’ai compris quel genre d’insinuations horribles tu étais prête à débiter simplement pour refourguer un putain d’appartement.

Nous arrivions main dans la main à ta rencontre, nos coeurs et nos corps pressés de trouver enfin chaussure à notre pied, c’est-à-dire un trois pièces sympathique à moins de dix minutes à pieds de mon lieu de travail (en toute simplicité). Nous nous sommes salués, tu finissais ta clope en speed, la cinquantaine bien passée. Tu étais relativement moche.

Nous avons partagé un moment d’intimité dans un ascenseur, dérangé une fille qui nous a montré son appartement, qui ne nous a pas plu. Nous sommes redescendus, vaguement déçus, mais le coeur léger.

Nous sommes retournés dans le hall.

Et c’est dans le hall que tu as commis ton délit. Que tu es tombée dans l’illégalité.

Au départ, ta remarque, nous ne l’avons pas comprise. « Cet immeuble est bien habité ». C’est con, comme remarque, mais nous n’avions rien capté, donc, nous voyant interrogateurs, tu as précisé ton propos en montrant de ton index jauni les boîtes aux lettres, au demeurant flambant neuves, qui jonchaient un mur de la pièce.

« Oui, regardez les noms sur les boîtes aux lettres, cet immeuble est bien habité ». Nous nous sommes regardés, ma moitié et moi, interdits. Interloqués. Envie de vomir. Nous nous sommes contentés de dire, en indignes gentleman et gentlelady bien élevés que nous sommes, que nous n’étions pas sensibles à ce genre d’arguments.

Et là, sinistre conne, tu aurais pu comprendre.

Mais tu as continué, en nous informant qu’il fallait toujours vérifier les noms sur les boîtes aux lettres parce que elle avait eu dans son immeuble des africains et vous savez ce que c’est, les enfants plus les cousins... Et bien sûr nous avons eu droit à un « ce n’est pas être raciste, cela n’a rien à voir »...

Nous nous sommes donc séparés précipitamment, et dans la voiture qui nous ramenait vers notre banlieue Est bien aimée, nous ne nous sommes pas beaucoup parlés, dégoûtés de ce que nous venions d’entendre.

Parce que tu nous avais pris en otage, sinistre conne. Parce que nous étions deux gentils blancs cherchant un trois pièces dans un coin huppé, tu nous as pris pour deux racistes dans ton genre. Parce que nous nous sentions coupable de ça. Nous avions mauvaise conscience par ta faute.

Résultat : je vais personnellement appeler l’agence pour les informer des propos tenus par leur employée. Et je me fous de savoir s’il s’agit d’une dénonciation arbitraire. Pour moi c’est juste un acte de civisme. Qui ne me lavera pas pour autant de l’affront qu’a constitué pour moi le fait de te rencontrer.

À bonne entendeur.

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